RAT

Rat 1

« Se mord la queue » c’est le titre de cette installation express de Lancelac pour l’occasion d’une exposition furtive le 6 juillet 2014. L’œuvre était accompagnée (ou accompagnait) un texte reproduit ci-dessous. Le principe de l’expo (collective) consistait à présenter un jeu texte/image et à intervertir deux lettres:

ART
« Art, le seul mot que les carpes sachent prononcer » écrivait autrefois mon ami René Daumal dans La Grande Beuverie.
Art ! Et il n’y a pas que les carpes pour en avoir plein la bouche. Art est devenu l’étendart de ceux qui cherchent encore à changer le monde. Pour certains, Art ressemble à une artme de guerre, mais leurs efforts dérisouarts concentrés le plus souvent dans les temples spécialisés de réseaux complaisants finissent en pétarts mouillés ou sont mis au rancart dans le placart des musées.
Le mot lui-même propose quelque-chose de désuet, un grincement phonétique légèrement traînart à la consonance agressive, « Arrrhhh ! » qui n’est pas sans évoquer le fond sonore caricaturé du temps de l’occupation prussienne. Une certaine pesanteur l’accompagne.
Vers la fin du XXe siècle l’appellation art contemporain se mit à occuper l’ensemble du territouart esthétique, imposant son label en signe de victouart et figeant d’un coup toute espérance de dépassement en avant comme en art-hier. Art, condamné à s’afficher sous l’éclairage blafart d’un jour sans début ni fin ne peut désormais que se régénérer perpétuellement, se nourrissant de sa propre substance inaltérable dans le même présent éternel propice au cafart, ne rassurant que les couarts, les snobinarts qui vivent dans la crainte de manquer d’art, de manquer le tortillart de l’époque, jetant l’anathème sur ceux qu’ils jugent forcément en retart et condamnant les « ringarts » au désespouart de l’anachronisme, ce désert des Tartarts.
Malgré ça, beaucoup s’affichent en spécialistes ou en connaisseurs de l’art, ce qui leur offre la possibilité d’un statut relatif auprès des gens simples. On peut voir leur front s’orner d’une aura art-ificielle qui ne parvient pourtant pas à éclairer les ténèbres.

Dans la mart aux canarts, barbottant parmi les nénupharts (en art on dit les nymphéas), il semble bien qu’il soit désormais trop tart pour y crouart.
Journal de Lucien Lancelac 1869/2013 T VI (extraits).